« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler » Albert Camus.

Qui es-tu, quel est ton métier ?

Je m’appelle Erika, j’ai 57ans. J’ai accompagné, conseillé, épaulé, porté, soulagé, encouragé pendant 30 ans des personnes en grandes difficultés en tant qu’éducatrice spécialisée. J’ai autant appris des autres qu’ils ont reçu de moi. Mais à la veille de mes 50 ans, une envie folle de changement s’est imposée. Une amie qui avait assisté à une cérémonie laïque de mariage m’a suggéré de m’intéresser à ce métier, me trouvant les qualités nécessaires pour ce genre d’exercice. Je me suis penchée de plus près et je suis tombée dedans, comme une évidence.

J’aimais l’idée d’être présente, mais d’une autre manière. En 2015 j’ai suivi une formation et j’ai commencé à officier pour des mariages, renouvellement de vœux et baptêmes.

En 2018, un ami proche de mon mari est décédé, en Nouvelle Calédonie, là où je vivais. Sa veuve m’a demandé de préparer une cérémonie ce à quoi j’ai répondu par l’affirmative, bien que tétanisée à cette idée, néanmoins convaincue depuis bien longtemps qu’il fallait être présents dans ces moments-là. Je m’étais déjà intéressée au sujet et j’avais entrepris des démarches auprès des pompes funèbres locales qui étaient restées fermées à mes propositions de collaboration.

J’ai renouvelé l’exercice quelques années plus tard, pour les funérailles d’une ancienne collègue de travail. Forte de cette expérience et désireuse d’exercer à nouveau dans le funéraire, c’est tout naturellement que j’ai pris contact avec la coopérative Syprès lors de mon installation à Bordeaux en avril 2022.

J’ai été reçue par Edileuza qui, au regard de mon expérience du social et donc de mes qualités d’écoute et d’empathie, mais aussi de ma formation de  célébrante et des deux cérémonies funéraires à mon actif, m’a invitée à passer une journée avec Yan, le plus ancien célébrant chez Syprès. J’ai assisté à un de ses entretiens avec une famille mais aussi à la mise en bière du défunt et à la cérémonie au crématorium de Mérignac. Puis, j’ai été propulsée rapidement dans le grand bain le 6 juillet, pour une inhumation au cimetière de Mérignac. J’ai reçu de nombreux compliments à l’issue de la cérémonie ce qui a fini de me convaincre que j’étais à ma place et prête à renouveler l’exercice.

Pourquoi es-tu impliquée dans Syprès et sous quelle forme ?

Je suis célébrante au sein de la coopérative. Syprès a une vision de l’accompagnement qui correspond tout à fait à mes attentes en proposant du sur mesure et non du clé en main.

Nous sommes là pour permettre aux familles de s’écouter et de s’affranchir des actes prescrits par la tradition en faisant fi des codes pour mettre à l’honneur, d’une autre manière, la vie du défunt, le temps d’une cérémonie.

J’ai aussi participé à un café mortel, j’ai aimé l’idée que, quel que soit le lieu, chacun puisse se sentir à l’aise pour évoquer la mort, qu’il ait été touché de près ou non par celle-ci.

Je participe également aux réunions d’équipe qui sont riches d’enseignements et d’échanges et dès que l’occasion se présentera, j’aimerais participer aux LAB pour m’enrichir des rencontres et m’ouvrir à d’autres horizons.

Pourquoi est-ce intéressant d’accompagner des familles dans ce moment particulier ?

Ce temps de préparation est nécessaire , il a un impact positif sur le travail de deuil. Il est important que la cérémonie soit construite en collaboration avec les endeuillés afin qu’ils soient acteurs de cette célébration et qu’ils puissent imaginer un moment qui les rassemble et qui leur ressemble. C’est un rite de passage indispensable pour célébrer, une dernière fois la vie du défunt.

Le lieu où sont reçues les familles est accueillant et chaleureux et, rapidement, après quelques minutes de présentation et de formalités, la tristesse fait place, pour un temps, aux sourires et aux rires, à l’évocation d’anecdotes, dans une forme d’apaisement et de soulagement, où tout peut être dit pour construire collectivement le moment qu’ils souhaitent créer, sans tabou, avec une résonance plus légère. Car nous ne pouvons pas laisser partir un être cher sans lui dire par des mots, des gestes ou des silences, la place qu’il tenait/qu’il tient pour nous et tout ce que notre mémoire veut garder vivant de lui. C’est le point de départ d’un long périple intérieur auquel nous participons modestement.

Nous sommes les metteurs en scène d’une pièce de théâtre dont « l’étoile » est le défunt, dans laquelle nous jouons un rôle important.